Délégation Protection

Responsable de la délégation : Dr. Antoine Cadi
Dernière modification de cette page le : 09/06/2008

Rassemblant près de 300 espèces à travers le monde, les tortues montrent leur formidable potentiel d'adaptation aux diverses contraintes écologiques. Si ces vertébrés restent communs et faciles à observer dans de nombreuses régions du globe, on constate néanmoins un déclin progressif des effectifs. Une telle raréfaction, loin d'être un phénomène naturel, est souvent directement liée à l'activité humaine. Elle s'est accélérée de façon alarmante au cours des dernières décennies. Deux tiers des espèces sont maintenant menacés. L'objet de ce comité est d'encourager, développer et accompagner toute initiative permettant la protection des tortues dans leur milieu. À terme, il doit permettre aux terrariophiles de participer aux actions de conservation aux cotés des scientifiques et des gestionnaires de l'environnement. Son domaine d'intervention est relativement vaste. Il concerne d'abord les espèces européennes, mais peut également s'intéresser à tout projet de protection dans le monde.
Intérêt pour les associations : permettre à leurs adhérents de s'impliquer, s'ils le souhaitent, dans des programmes structurés et officiels de protection des tortues (qu'il s'agisse d'initiatives locales ou à plus grande échelle).


Opération tortues à tempes rouges

Opération tortues à tempes rouges

Cliquez sur la bannière pour en savoir plus sur le Programme "Tortues de Floride"


Un constat éloquent
Le commerce à grande échelle de la tortue à tempes rouges, dite tortue de Floride, (Trachemys scripta elegans) a commencé dans les années 50. Dans les années 60, plus de 150 fermes d'élevage produisaient des juvéniles grâce à de véritables cheptels de géniteurs. En 1975, la Food and Drugs Administration (USA) interdit pour des raisons sanitaires le commerce de cette espèce, soit près de 10 millions d'individus par an. De nombreuses fermes vont fermer, mais une cinquantaine vont poursuivre leur activité en Louisiane et dans le Mississippi. Tournées vers l'exportation, elles produisent actuellement entre 4 et 7 millions de juvéniles par an. 52 122 389 tortues ont ainsi été exportées des USA entre 1989 et 1997 (Telecky 2001). Les deux principaux continents importateurs ont été l'Europe et l'Asie. En Europe, le principal pays importateur était la France, avec 1.878.800 individus importés en 1989-1990 (4 238 809 tortues entre 1985 et 1994), suivie de l'Italie (presque 1 million d'individus importés dans la même période) et de l'Espagne (770.000 tortues). En Asie, le principal importateur est la Corée du Sud (1.314.000 animaux en 1989-1990), suivie du Japon (688.800 tortues) et de Hong-Kong (605.500 tortues). Plus de trente pays importent encore ou ont importé de grandes quantités de tortues à tempes rouges (Warwick 1991). Si le marché global n'a fait qu'augmenter de 1986 à 1997, il est aujourd'hui stoppé dans certains pays (France, Allemagne).
Dans la plupart des pays importateurs, les propriétaires de tortues à tempes rouges relâchent leurs animaux dans le milieu naturel lorsqu'ils deviennent trop encombrants et nécessitent trop d'entretien. En France, l'observation depuis plusieurs années de tortues à tempes rouges dans la quasi-totalité des départements métropolitains et les quelques cas de reproduction réussie montrent que cette espèce s'est acclimatée et que la naturalisation est possible (MNHN, IEGB et SPN, Septembre 1995).

La tortue à tempes rouges, dite tortue de Floride Trachemys scripta elegans (Wied, 1839)


  • Taille : mâles 14-15 cm, femelles jusqu'à 25 cm.

  • Poids : jusqu'à 2,5 kg.

  • Age à la maturité : 3 à 8 ans.

  • Fécondité : 10 œufs par ponte en moyenne, 1 à 2 pontes annuelles,

  • pendant une quarantaine d'années.

  • Poids du jeune à la naissance : 7,5 g.

  • Habitat : tous milieux aquatiques.

  • Nourriture : carnivore puis omnivore.

  • Répartition : Vallée du Mississippi, de l'Illinois jusqu'au golf du Mexique



Une récente revue (Arvy et Servan 1998) annoncent une compétition inéluctable entre cet envahisseur et la tortue autochtone. La comparaison des paramètres biologiques apparaît en faveur de la tortue à tempes rouges tant pour la taille des individus adultes que pour la précocité de la maturité sexuelle ou le poids des jeunes à l'éclosion.

Des résultats alarmants
Afin d'apporter des éléments de réflexions face aux introductions de tortues à tempes rouges et aux risques que cela pouvait représenter, une étude expérimentale a été mise en place en collaboration avec l'Université Claude Bernard Lyon 1 et la Fondation Pierre Vérots. Considérant le fait que les tortues sont des ectothermes (elles doivent utiliser une source de réchauffement externe comme le soleil pour augmenter leur température corporelle et leur activité métabolique) et que cette ressource de l'habitat peut être estimée (en mesurant le rayonnement solaire ou en limitant le nombre de places disponibles sur les solariums par exemple), un protocole a permis de comparer le comportement d'occupation des sites d'accès au soleil, mais aussi de la croissance et de la survie des deux espèces selon qu'elles sont placées en situation monospécifique (bassins témoins) ou hétérospécifique (bassins expérimentaux) (Cadi et Joly 2000). Lorsque les deux espèces sont séparées, elles montrent une occupation identique des sites de bain de soleil. Mais, lorsque les deux espèces vivent dans le même bassin, les observations montrent qu'au bout de quelques jours l'utilisation des solariums est dictée par l'espèce introduite (Cadi et Joly, 2000). La cistude se retrouve repoussée vers les berges des bassins ce qui laisse présager d'interactions compétitives entre les deux espèces. Ces interactions ne sont pas apparues dans l'étude des comportements sur les sites d'exposition au soleil. Il est possible que la pression compétitive ne s'exprime pas par des interactions directes entre les deux espèces ou que ces rapports existent mais qu'ils nous échappent (interactions subaquatiques, par exemple). En conditions naturelles, il est probable qu'une partie des cistudes cherchent à fuir cette compétition rejoignant de nouvelles zones humides. Les conséquences de telles migrations dans des régions où les populations comme les milieux aquatiques sont isolés les uns des autres. Sur le long terme, l'hypothèse du mauvais bilan énergétique s'est traduite par une légère perte de poids (difficile à déceler) et d'un coup par la mortalité d'une partie des cistudes placées en présence de tortues à tempes rouges (Cadi et Joly, en cours). Cette mortalité est apparue en sortie d'hivernation 2000/2001, soit 3 saisons après la mise en contact des deux espèces. Enfin, comme cela a été mis en évidence en Espagne et en Italie (Martinez-Silvestre et al. 1997, Luiselli et al. 1997), de récents suivis du cycle reproducteur des tortues à tempes rouges en conditions naturelles montrent que si pendant les premières années suivants leur lâcher la survie des individus semblait aléatoire, il n'en est plus de même aujourd'hui. De nombreuses pontes sont observées un peu partout en France (Sud de la France, Rhône-Alpes, Ile-de-France…). Certaines aboutissent à l'émergence naturelle de jeunes tortues. Des émergences ont ainsi été observées à Nîmes, à Pierrelatte et au Lac du Bourget. Le sexage des jeunes a permis de confirmer la présence des deux sexes (Cadi et al., en cours)

Perspectives
Les récentes évolutions de la connaissance des potentialités de l'espèce posent immédiatement la question de sa capacité d'invasion : les individus relâchés dans la nature risquent-ils vraiment d'envahir les autres zones humides ? Un vaste projet rassemblant l'Université Paris Sud (Laboratoire d'Écologie, Systématique et Évolution), l'Office National des Forêts et de nombreux autres partenaires (Conseils Généraux et Conseil Régional d'Ile de France, DIREN…) débute en 2002. Outre la réponse aux questions d'alimentation et de capacités de dispersion des tortues à tempes rouges, il souhaite :


  • définir les protocoles de gestion les plus appropriés,

  • procurer des éléments d'information au grand public afin de justifier l'interdiction de lâcher des tortues dans les milieux naturels,

  • fournir au Ministère de l'Aménagement du Territoire et de l'Environnement les éléments nécessaires à la mise en place d'un plan de récupération massif et à la pérennisation des interdictions d'importations.



Parallèlement à cette démarche, la Fédération Francophone pour l'Elevage et la Protection des Tortues, forte de sa vingtaine d'association représentant près de 2000 membres et par l'intermédiaire de son comité protection, soutien la mise en place d'actions de sensibilisation et de récupération ainsi que la création de centres de récupération de tortues exotiques à raison d'un par région. Un premier recensement des structures existantes est en cours et fera le point sur les centres à développer. Cette initiative a un double intérêt : débuter une récupération massive (processus long à mettre en marche) et associer les terrariophiles à une action qui les concerne en tant que passionnés de tortue.

Si vous êtes actif dans la récupération des Tortues exotiques, participez à ce recensement en remplissant le formulaire (.pdf), merci de votre aide.

Un projet national
En Juin 2002, le Conseil d'Administration de la Fédération a décidé d'adopter le projet présenté par la Commission Protection, portant sur les actions de récupération des tortues exotiques relâchées dans le milieu naturel en France. Ce projet, afin d'être viable et porteur de résultats positifs, se doit d'être précédé d'un travail d'étude et de préparation des actions. La première tâche consistera en une étude des solutions déjà proposées, et notamment d'un inventaire des sites d'accueil de tortues exotiques en France. Ces sites pourront être associés au projet final dans la mesure où ils répondent aux critères minimum obligatoires (autorisations, qualité des soins…). Si les capacités d'accueil sont insuffisantes ou inégalement réparties sur le territoire, des études de création de nouveaux sites seront engagées. Enfin, nous souhaitons proposer et initier la récupération des tortues exotiques indésirables dans les milieux naturels en collaborations avec les gestionnaires de l'environnement et les collectivités locales. Ces actions seront médiatisées et participeront à la sensibilisation du public. Ce travail important a comme objectif de mieux faire connaître la fédération, et par la même les associations adhérentes, et de montrer que la finalité de cette fédération est l'élevage mais aussi la protection des tortues. Il veut être le fruit d'une action associative par le rassemblement de toutes les volontés actrices dans le milieu fédératif.


Conservation des Tortues asiatiques



La crise que traversent les chéloniens asiatiques a été révélée au début des années 1990. Elle a été rendue publique dans le monde occidental lors du symposium "Conservation, restoration and management of tortoises and turtles - an international conference" à New York en 1993. C'est alors qu'on a commencé à réaliser l'ampleur des collectes de tortues qui étaient effectuées en Asie. Plusieurs symposiums ont été consacrés entièrement à ce sujet en Asie et aux Etats-Unis. Les quantités de tortues exportées sont astronomiques; elles se comptent en dizaines de tonnes au bas mot par espèce et les évaluations sont très souvent bien en dessous de la réalité. La disponibilité en tortues change constamment, et les routes prises pour leur acheminement sont si nombreuses qu'elles rendent les estimations difficiles.

Au moins 90 espèces de tortues
ont été décrites dans la région concernée par cette crise. Pratiquement toutes sont collectées et 74% sont menacées. Au moins une espèce native de Chine a déjà disparu : Cuora yunnanensis.

Plusieurs zones du continent asiatique sont concernées :


  • la péninsule indienne (Inde, Bangladesh, Népal) et la Birmanie (maintenant Myanmar)

  • le sud-est asiatique (Cambodge, Laos, Vietnam et Thaïlande) et ses diverses îles (Indonésie, Malaisie, Papouasie et Nouvelle Guinée)

  • l'est asiatique: la Chine, Hong Kong et Taiwan



Jusque dans les années 80, les chéloniens asiatiques ont subi une forte dégradation et destruction des habitats naturels, liées aux importantes concentrations humaines. La déforestation et les pollutions des cours d'eau ont clairement fragilisé certaines populations. Néanmoins, les années quatre-vingt virent l'émergence d'une menace sans commune mesure avec tous les problèmes que ces espèces ont rencontrés jusque-là. Une vaste collecte de tortues débuta au Vietnam et au Bangladesh puis elle s'est rapidement étendue sur l'ensemble des pays asiatiques précédemment cités. La plupart des tortues collectées sont depuis lors destinées à la consommation. La consommation locale a toujours existé, excepté lors d'interdits religieux, mais elle reste limitée dans la péninsule indienne et le sud-est asiatique. La grande nouveauté a été l'exportation des chéloniens vers les pays de l'Asie de l'Est : la Chine, Hong Kong et Taiwan. La Chine est en effet le plus grand consommateur de tortues au monde. Avant 1989, les tortues consommées provenaient de différentes provinces chinoises. En 1989, le pays s'est ouvert au Système Monétaire International et sa monnaie est devenue convertible. Elle a donc pu importer des pays voisins les ressources dont elle était privée et parmi celles-ci les produits de luxe.

La Chine a essentiellement une tradition de consommation de tortues à carapace molle. Néanmoins, cette consommation massive de chair et des produits dérivés d'une grande variété d'espèces de chéloniens est un phénomène très récent. Les tortues importées sont en fait considérées comme des mets de luxe et leur prix dépasse largement celui des viandes usuelles comme le poulet. Elles ne peuvent donc être considérées comme des protéines indispensables aux populations pauvres de l'Asie de l'Est. Les tortues natives de Chine elles-mêmes, vu leur valeur marchande excessive, ne sont pas consommées par les fermiers vivant à leur proximité. Ils se contentent de les collecter et les envoient vers les restaurants des villes riches du sud. Même si on peut déplorer la consommation de certaines tortues par des touristes étrangers, leur impact dans ce commerce reste mineur. Les importateurs visent clairement les citadins des riches villes de Chine du Sud, de Taiwan et de Hong Kong. On observe donc un vaste exode commercial des tortues vers ces trois pays. La récente crise économique que traversent certains pays du sud-est asiatique n'a fait qu'augmenter l'ampleur d'un tel marché.

Toutes les espèces de chéloniens vivant dans ces contrées sont consommées. Toutes les tailles sont concernées. Les tortues sont exportées vivantes ou sous forme de carapaces, de "gels" et d'autres dérivés produits à partir de leurs os. L'utilisation des tortues dans la pharmacopée chinoise est une seconde raison majeure d'importation massive de chéloniens en Asie de l'Est. L'os de tortue a en effet une grande valeur dans la Médecine Traditionnelle Chinoise. On trouve des livres de médecine très anciens, datant de la dynastie des Ming (1368-1644), traitant de potions faites à partir de tortues séchées, de sang de tortues, ou de carapaces. Certaines espèces telles que les Cuora trifasciata sont supposées être efficace pour combattre le cancer. Le prix d'une Cuora trifasciata a donc considérablement augmenté ces dernières décennies. Lorsqu'elle n'était destinée qu'au marché pour la captivité, dans les années quatre-vingt, les prix culminaient à une petite centaine de dollars. Son succès sur le marché chinois est tel qu'elle se vend maintenant (au début des années 2000) 1500 dollars le kilo, et même les juvéniles ou les nouveau-nés sont collectés pour leur valeur commerciale. Le plastron de tortue est habituellement la partie préférée pour la Médecine traditionnelle Chinoise et les exportations peuvent ne concerner que des plastrons. On note le nourrissage de crocodiles en fermes d'élevage avec les parties molles des tortues. Les plastrons, qu'ils soient issus de tortues à carapace molle ou à carapace "dure", ne sont pas consommés tels quels. Ils sont bouillis pendant des heures et transformés en gels, parfois en pilules. Ces dérivés sont supposés avoir divers effets, notamment toniques, sur le corps humain. Ils sont très populaires.

La plupart des tortues destinées à l'alimentation ou à la médecine chinoise proviennent de la nature. Quelques espèces sont élevées en fermes d'élevage et cela représente sans conteste de grands volumes. Le meilleur exemple reste Pelodiscus sinensis originaire de l'Asie de l'Est. Cette tortue molle à la croissance rapide est élevée en Chine, à Taiwan et dans plusieurs pays où elle n'est pas native tels que la Thaïlande, la Malaisie et l'Indonésie. La production atteint jusqu'à 10 000 tonnes par an et permet probablement de réduire un peu la collecte de tortues dans la nature. Des fermes de Trachemys scripta elegans ont aussi été créées et permettent de fournir des individus pour l'alimentation et des os pour les potions chinoises. Ocadia sinensis est élevée à Taiwan et offrirait un grand potentiel. On suspecte enfin Cuora trifasciata d'être élevée en petites quantités en Chine. Malheureusement, ces élevages en ferme restent limités à quelques espèces et il semble beaucoup plus facile de collecter directement les tortues dans la nature. L'Asie du Sud-Est offre en effet l'image trompeuse d'abriter un nombre inépuisable de chéloniens. Malheureusement, les collectes sont si élevées que le renouvellement des populations de tortues est complètement inapte à contrebalancer naturellement les pertes démographiques.

Le système de collecte des animaux est fort bien organisé dans chaque pays. Les chasseurs ramassent en général toutes les tortues, toutes espèces et toutes tailles confondues, dans une zone précise de ramassage jusqu'à ce que les tortues y soient devenues si rares que la collecte ne devient plus rentable. Les ramasseurs se déplacent alors vers une autre zone riche en tortues. Les animaux sont ensuite regroupés dans les villages puis sont transportés vivants ou morts vers les zones d'utilisation via diverses routes ou par voie aérienne.

Une autre menace doit être évoquée même si elle n'est pas liée au commerce chinois et n'implique pas des quantités aussi importantes de chéloniens. Un certain nombre de tortues est destiné au marché pour la captivité et envoyé vers l'Europe et les Etats-Unis. Les exportateurs choisissent alors des tortues de petite taille (préférées par les collectionneurs) et ils ont beaucoup plus concentré leur commerce sur des espèces rares ou présentant des caractéristiques esthétiques particulières. La législation, appliquée dans une grande partie des pays occidentaux, interdisant l'importation d'individus de plus de 10 cm, produit un effet néfaste puisque qu'elle interdit purement et simplement l'envoi de nouveau-nés, impossibles à détecter dans la nature, mais qui pourraient être produits en ferme d'élevage. Paradoxalement, de telles contraintes renforcent donc le mouvement de collecte dans la nature. Pratiquement toutes les tortues asiatiques trouvées dans les animaleries occidentales proviennent de la nature (excepté Pelodiscus sinensis).

Quelles solutions face a une telle crise ?
Il faut être conscient que les effectifs de tortues diminuant localement très rapidement, certains marchés dont celui d'Hong Kong offrent déjà des tortues provenant d'Amérique du Nord pour probablement satisfaire à terme la demande en tortues. Ce n'est donc qu'une question de temps avant que cette crise n'implique de nouveaux pays et n'extermine de nouvelles espèces de chéloniens à travers le monde.

Une des premières solutions envisagées est de classer toutes les espèces de tortues asiatiques en Annexe 2 de la CITES. Pratiquement tous les pays de cette région sont en effet signataires de la Convention de Washington protégeant la faune et la flore internationale. Un classement en Annexe 2 soumettrait les collectes à des quotas et permettrait de limiter les exportations. Le classement en Annexe 1 de certaines espèces rendrait illégale la collecte des plus menacées. Néanmoins, les routes par lesquelles les tortues sont acheminées en Asie de l'Est restent nombreuses et difficiles voire impossibles à contrôler, notamment les voies terrestres. De telles lois n'auraient donc qu'une efficacité limitée. De plus, la répression est toujours une action qui se fait contre un groupe de personnes. Or un plan de conservation réussi doit privilégier les actions positives intégrant toutes les parties impliquées (d'où les autres solutions décrites ci-dessous).

Médecine chinoise: Certaines recherches actuelles en médecine chinoise tendent à montrer que le plastron a les mêmes vertus curatives que le reste de la carapace. L'acceptation d'un tel constat par les pharmaciens chinois permettra d'augmenter de façon significative la quantité de gel d'os produit par unité de tortue. De même, prouver que la qualité des os de tortues issues d'élevage est identique à celle des os de tortues sauvages sera un pas décisif. Une analyse plus approfondie des composants osseux et une recherche de solutions alternatives par l'herboristerie et l'emploi de plantes médicinales permettra à terme d'éliminer définitivement les tortues des pharmacies chinoises.

Alimentation et élevage: il est clair que les productions actuelles issues de fermes d'élevage ne satisfont pas quantitativement la demande commerciale de l'Asie de l'Est. Néanmoins avec la raréfaction de certaines espèces, la technique se révèle plus rentable comme dans le cas de Cuora trifasciata. Certains soutiendront que la réelle solution est probablement l'interdiction de consommation de tortues. Néanmoins, ce n'est pas à nous de juger un peuple aux moeurs différentes des nôtres et de le condamner pour les mets qu'il consomme (rappelons-nous que les américains et même les français, en Martinique notamment, consomment aussi des tortues) mais d'offrir des moyens pour que les écosystèmes ne soient pas déséquilibrés et que les espèces se maintiennent. Le fait que les tortues correspondent à des produits de luxe en Extrême-Orient nous permet d'espérer agir en modifiant l'opinion du consommateur. Les fermes à tortues, comme la pisciculture ou les élevages de volaille, restent sans nul doute la solution pour contrer de tels prélèvements. Pour être efficace, cette solution doit être accompagnée d'une campagne de promotion durable auprès du consommateur. De telles fermes connaissent certes divers problèmes tels que la fuite occasionnelle de Pelodiscus sinensis ou de Trachemys scripta elegans dans des zones où elles ne sont pas natives. Les fermes collectent aussi de temps à autre des animaux dans la nature pour renouveler leur stock génétique. On n'atteindra donc jamais un taux de prélèvement nul. Néanmoins, de tels prélèvements sont négligeables comparés à ceux effectués à grande échelle par la collecte sauvage, et on n'a encore pas observé une invasion massive de ces deux espèces dans le sud-est asiatique. Il faut d'ailleurs espérer que ces espèces exotiques ne deviennent pas comme en Europe les seules tortues visibles par le public dans les zones suburbaines, les tortues natives de nos régions occidentales ayant été éradiquées principalement par les actions humaines, la déforestation et le morcellement des sols, et non par le lâcher ou le ramassage de tortues !

Fond de sauvegarde de tortues asiatiques
Les solutions précédemment évoquées nécessiteront probablement plusieurs décennies et passeront par l'éducation du public et le changement des habitudes alimentaires des classes moyennes et aisées. Il semble donc urgent de tenter des actions de dernière chance pour certaines espèces de tortues avant qu'elles ne s'éteignent définitivement. Divers acteurs de conservation et éleveurs à travers le monde ont donc décidé de créer un stock de tortues asiatiques captives. Il faut réaliser qu'on est bien loin des idéaux d'il y a quelques décennies où on présumait beaucoup trop de nos aptitudes à recréer la nature à partir de cheptel captifs et de lâchers de juvéniles dans les habitats naturels. Le plan d'élevage des tortues asiatiques est plus pragmatique. Il deviendra un fond de secours pour les espèces disparaissant de la nature, par un sauvetage de quelques centaines d'individus, une population minimale pour que l'espèce survive quoiqu'il arrive en Asie. Les tortues de ce fond de sauvegarde proviennent de collections personnelles ou de confiscations par les douanes. Aucune n'est prélevée dans ce but dans la nature. Les éleveurs se regroupent en réseau, développent les techniques efficaces pour les élever dans les meilleurs conditions. Ce n'est qu'à moyen et à long terme que certains juvéniles pourraient être rapatriés dans les pays asiatiques si l'espèce a besoin de telles réintroductions et si les habitats sont disponibles et protégés du braconnage (ce qui n'est pas le cas actuellement). Une telle initiative est probablement beaucoup plus révolutionnaire qu'elle n'y parait puisqu'elle met pour la première fois côte à côte les grand parcs zoologiques, les scientifiques et les terrariophiles amateurs du monde entier. Elle remplit une mission de fond d'alerte et d'éducation de l'opinion public et du monde terrariophile. Elle préfigure une nouvelle approche de la terrariophilie des chéloniens, plus mature, complètement impliquée et sensible à la conservation des espèces, gérant les techniques de reproduction, et apte à moyen terme à suppléer la demande en tortues pour la captivité sans recourir à la capture d'animaux sauvages.

Le numéro 14 du mois de mars 2002 de la revue Manouria complète le présent texte par un article de 14 pages

Le programme francophone "Elevage et Sauvegarde des Tortues Asiatiques" se met en place. Si vous êtes intéressé(e) par une telle initiative, vous pouvez nous contacter : Dr. G. Guyot Jackson Gguyot13@aol.com, membre du comité directeur du Turtle Survival Alliance Europe.